Malgré les théories, malgré les modèles économiques, malgré les indicateurs, le management n’est pas une science exacte. Il renferme une forte part d’intuitions. Être à leur écoute permet de sortir des sentiers battus ou de rester vigilant …
Diriger est plus un art qu’une science.
Si diriger est avant tout savoir décider, choisir sur la base de critères les plus factuels et objectifs possibles ; toute action n’est pas uniquement rationnelle.
Manager une organisation c’est également manipuler de l’humain dont les actions ne sont pas toujours rationnelles.
C’est manipuler un grand nombre de paramètres économiques, sociaux, techniques pour lesquels il n’existe pas de modèles mathématiques, de prévision ou d’aide à la décision, fiables.
A bien y regarder, la réussite, le succès en politique, dans l’économie, dans les sciences ou dans l’art est le plus souvent le fruit de la chance, de l’intuition, d’une résonance avec son époque ; au mieux, le fruit de l’expérience.
Les méthodes de management, les recettes, les solutions toutes faites ne sont que des leurres et trahissent une forme de paresse de l’esprit.
Ceux qui croient aux discours et solutions miracles, des coachs, gourous et autres consultants, sont avant tout en déphasage avec l’organisation qu’ils sont sensés conduire.
Chaque époque à ses modes. La plus classique reste celle de la réduction de la masse salariale. Par plan social ou automatisation, elle ne fait que priver l’entreprise de son principal capital de savoir faire et d’innovation. Les autres réponses toutes faites sont :
– La mise en place de processus. Au mieux, on n’indique pas quels processus mettre en place (à vous de les inventer), au pire, on propose des processus qui ne correspondent pas au niveau de maturité de votre organisation (effet démotivant garanti en vous renvoyant une image négative).
– La mise en place d’indicateurs. Une fois encore, le lien avec l’action est oublié. Ces indicateurs sont souvent trop nombreux. Il sont souvent fondés sur des données et modalités de calcul fausses. Ils ne servent que de thermomètre. Ce qui fait, qu’à la fin, on se concentre uniquement sur ceux qui confortent l’organisation dans ses choix actuels.
– La nouvelle mode est à l’agilité. Force est de constater que ce concept recouvre des réalités très différentes (flexibilité, réactivité, cycles courts, ou construction intellectuelle théorique).
– La disruption. L’idée fondamentale est que si le cadre actuel ne produit pas le résultat attendu, il convient de remettre en cause le cadre. Cette approche pose simplement deux questions de fond. Au regard des points précédents, en quoi est-il possible d’affirmer que c’est le cadre qui est en cause. Et surtout il convient de s’interroger sur quel est le résultat attendu.
Pour toutes ces raisons, il est très difficile de croire à une aide importante des nouvelles technologies.
Certes, elles peuvent être utiles pour multiplier les canaux de dialogue et de communication (à condition de ne pas se disperser). Elles peuvent être utiles pour compiler les données de gestion ; à condition de ne pas se faire submerger par un flot de données non maîtrisées.
Leur utilisation devient dangereuse quand l’objectif est de leur confier une partie de la décision. En résumé, le recours croissant aux algorithmes et à l’intelligence artificielle en économie et sociologie. Les leçons du passé n’ont pas été tirées en particulier dans le domaine de la gestion des valeurs mobilières. Utiliser ces techniques en gestion des relations humaines en particulier en sélection des CV revient à nier tout ce qui fait l’humain et à renforcer les inégalités en sclérosant les modèles dominants.
Non, les décisions qui impactent les individus n’ont rien d’artificielles au moins dans leurs conséquences. Une démarche trop rationnelle est une forme de non sens. Le progrès humain est fait de création, de ruptures, d’irrationnel, d’utopie et d’intuition.
Un manager est une personne qui doute.
Il cherche à se rassurer par la technique et la rationalité, par la consultation et le conseil. Ces aides ne peuvent pas réduire totalement l’incertitude, la part d’indicible, la part d’intuition. Plutôt que de chercher à la nier, autant la reconnaître et la mettre à profit.
Pour ma part, dans la très grande majorité des cas, mes intuitions se sont vérifiées. Je me suis réjoui de les avoir suivies dans quelques cas. J’ai plus souvent regretté de ne pas les avoir suffisamment prises en compte.
Faire confiance à son intuition ne débouche pas nécessairement sur l’indécision. Au contraire, elle est un soutien à l’efficacité de la décision.
Faire confiance à son intuition c’est :
- Être à l’écoute de cette intuition. Il convient d’admettre que tout ne peut pas être maîtrisé. Ce n’est pas un problème en soi. Il convient avant tout de le reconnaître, de parvenir à l’exprimer et l’identifier dans le but de se donner les moyens de le maîtriser.
- L’intégrer à sa ligne de conduite (comme un but) lorsque cette intuition est positive. Une intuition positive (une idée, un rêve, une utopie) s’exprime avant tout dans la durée.
- Mettre en place les mesures de sauvegarde lorsque l’intuition est négative et exprime un doute. Les mesures de sauvegarde et de maîtrise sont faites de mesures et indicateurs pour en suivre l’évolution. Elles peuvent faire l’objet de clauses juridiques ou de mesures temporelles pour en contenir ou consolider les éventuels impacts.
- Prendre du recul et faire le point pour confirmer, infirmer et infléchir.
Finalement, faire confiance à ses intuitions c’est reconnaître la part d’humain et le droit à l’erreur. C’est laisser s’exprimer les ressors de la création et les fruits de l’expérience.
C’est un manifeste contre les gestionnaires techniciens et autres technocrates qui se réfugient derrière la fausse réalité des principes et des tableaux de bord.
N’oublions jamais que les tableaux de chiffres n’ont de réalité que l’intention vers laquelle ils visent à nous conduire.