Le trio des excuses bidons.

Parmi les arguments avancés pour justifier la mauvaise qualité de service, il y en a trois qui figurent au premier rang des excuses inacceptables :

  • Il n’y a pas d’informatique sans bug.
  • Ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés.
  • Si une femme fait un enfant en neuf mois, neuf femmes ne feront pas un enfant en un mois.

Reprenons chacune d’elles.

Il n’y a pas d’informatique sans bug.

Pour bien apprécier cette formule, transposons la dans d’autres contextes. Que diriez-vous si un constructeur automobile vous annonçait, face à un défaut d’attache des roues : « il n’y a pas d’industrie sans incidents » ? De même si les constructeurs des centrales nucléaires annonçaient : « il n’y a pas de centrales sans fuites » ?

Tolérer cette formule chez un fournisseur est doublement intolérable :

  • Cela signifie que par principe, celui qui l’invoque, s’exempte de sa responsabilité sur la qualité de ses prestations. Il accepte d’emblée de fournir des prestations au rabais.
    Cela n’a rien à voir avec le fait que le client, en pleine conscience, choisisse de ne pas mettre le juste prix pour la qualité qu’il attend.
    La formule n’est généralement pas invoquée dans ce contexte mais bien dans celui d’un prestataire qui, par manque de compétences ou par volonté d’augmenter ses profits, fait le choix de sacrifier une partie de la conception, ou de la réalisation ou des tests. Donc qui a fait le choix d’une prestation au rabais.
  • Cela signifierait également qu’il ne serait pas possible de faire autrement. Une sorte de fatalité pesant sur la profession.
    De fait, on jette le discrédit sur toute une profession.
    Il est possible de faire autrement, en accordant l’attention nécessaire à la conception, à la réalisation et aux tests. En utilisant les compétences nécessaires et en acceptant de les payer correctement. En assurant effectivement un encadrement des ressources les moins expérimentées.

Le fait, pour un client, de tolérer cette formule revient à accepter des prestations au rabais. Cela revient également à accepter un transfert de charge. En effet les économies réalisées par le prestataire se traduiront par une charge supplémentaire de recette ou par les conséquences opérationnelles des problèmes rencontrés.

Dans le domaine informatique et de la nouvelle économie, une variante de cette formule est une certaine vision de l’agilité qui fait dire que l’utilisateur peut se satisfaire d’un produit même imparfait. On justifie ce principe en prenant pour exemple les applications pour smartphones.

Ce faisant, on oublie que ce qui vaut pour ce contexte n’est pas généralisable.

  • D’une part, d’un point de vue économique, on est dans une logique d’offre et pas de demande.
    En logique d’offre, à condition d’être explicite sur ses caractéristiques, le client accepte l’offre en l’état. Selon l’adage, toute offre la pire soit elle, peut trouver son public.
    En logique de demande, ce qui est généralement le cas pour le secteur professionnel, il s’agit de répondre au mieux aux caractéristiques attendues. Le principe est donc celui de la conformité au besoin.
  • Ces offres sont généralement gratuites.
    Même s’il n’est pas toujours justifié de dire que ce qui est gratuit n’a pas de valeur ; il est communément admis que ceux qui ont recours à ces offres ne sont pas réellement fondés à se plaindre en cas de problème.
    En conséquence, si le recours à une prestation est susceptible de causer des dommages ou des manques à gagner, il est préférable de ne pas recourir à ce type d’offre gratuite.
  • Ces offres s’adressent généralement à la sphère privée.
    Lorsqu’elles ciblent la sphère professionnelle, soient elles sont tarifées, soit elles sont assorties de conditions de responsabilité très restrictives.

On entretien, également, volontairement une confusion avec la notion de prototypage.

Il s’agit bien d’une confusion car le prototype n’a jamais été considéré comme produit fini. Il est clairement identifié comme ébauche du produit fini dans le but d’en établir les caractéristiques ou dans le but d’en confirmer la faisabilité. Il est prévu pour subir une phase d’industrialisation et de sécurisation avant généralisation.

Donc, en résumé, toute offre, surtout si elle émane d’un professionnel, se doit d’être sans défauts. La valeur première est la conformité ; pas une excuse préétablie au fait de ne pas tenir ses engagements.

N’oublions jamais que la loi prévoit la notion de garantie dont le but est de prémunir contre les défauts.

Ce sont les cordonniers les plus mal chaussés.

Franchement, vous iriez chez un cordonnier qui ne serait pas capable d’entretenir ses propres chaussures.

Invoquer cet adage signifie au mieux qu’il n’a pas confiance dans son propre travail et au pire qu’il ne dispose pas des compétences pour le faire.

Pour ma part, j’ai toujours considéré qu’un professionnel se devait d’être exemplaire sur son propre domaine d’activité. Après tout, il est sa première vitrine.

D’autre part, on ne parle bien que des choses que l’on connaît et que l’on a expérimentées.

Et puis finalement, si l’on considère qu’une offre est bonne pour les clients (c’est pour le moins le langage usuel du marketing), elle l’est également pour soi ; sauf à avoir et véhiculer une bien piètre image de soi.

On rejoint ici l’adage précédent sur les bugs, ils sont systématiquement invoqués pour tenter de justifier des défaillances sur le cœur même de la prestation et sur les savoir-faire que le client a achetés.

Si une femme fait un enfant en neuf mois, neuf femmes ne feront pas un enfant en un mois.

Une analogie aussi tautologique soit elle ne fait pas nécessairement une vérité.

Celle-ci est généralement invoquée dans deux cas :

  • pour tenter d’excuser un retard,
  • pour justifier des délais inacceptables.

Certes, ne nions pas les évidences, l’équation délais, ressources devient impossible à résoudre plus le délai est court et le volume est important.

Pour autant, en application du principe Résultat-Activités-Ressources (voir le triangle projet), en agissant sur les méthodes et les ressources, il est possible de dégager des marges de manœuvre.

Fuir l’incompétence.

En conclusion, si on vous objecte l’un quelconque de ces adages, fuyez cette démonstration d’incompétence.

Si vous ne le pouvez pas, revenez en au premier précepte en répondant que ce n’est pas votre problème, seul le résultat et les engagements souscrits comptent.

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